L'angoisse

Publié le par laurent fournier

C’est la première goutte, celle qui perle avant toutes. Annonciatrice du flot qui va surgir. Manifestation physique de l’âme fatiguée de trop s’enchaîner à une seule idée.

Bien souvent, c’est de la tempe qu’elle prend source pour finir sa course sur l’arrondi que forment la joue et le cou.

Là, elle s’en détache difficilement, comme suspendue par le temps. Alors, c’est un peu de nous et de nos états d’âme qui se jettent sans vergogne sur le macadam.

L’on croyait qu’une fois notre angoisse expulsée d’une goutte, l’être serait enfin redevenu calme et serein. Mais rien de la sorte. Rien qui ne nous en sorte.

L’espoir déchu rend l’angoisse plus forte et nous enferme dans la spirale de démons profonds.

Le temps se fixe en un instant, qui de sa place prend l’éternité pour amant. L’esprit se laisse à croire que plus jamais, ô grand jamais, la paix viendra choir au fond du cœur.

Tout devient lourd. Tout se fait sourd. Chaque geste, chaque idée du geste, tisse un peu plus le linceul dans lequel nos pensées se laissent entraîner. Compatissantes. Complaisantes.

Le front se fait moite. Le teint se fait blême. La cervelle implose et jonche notre raison de ses éclats. Une chaleur persistante imprègne le corps, le rendant spongieux.

Tout nous revient sans égards. Les souvenirs nous dévorent d’un bloc sans qu’aucun ne se fasse dominant. Ils se joignent en un brumeux passé qui semble celui d’un autre. Ce vécu n’est plus le nôtre. On peine à croire que ce fut nous … que c’est encore nous !

Une distance assassine s’installe où l’on croit rêver en se repensant.

Tout se ligue pour confirmer notre état dévasté.

Comment peut-on en arriver là ? Tant de choses vécues, pour finalement n’être plus que cet instant étouffant.

Car l’on étouffe. Vraiment. Viscéralement. L’air brûle. Chaque respiration est un sursis, un coup au cœur, un cri sans bruit. Vivre nous fait peur. Et a quoi bon puisqu’aucune raison ne nous ramène à la raison ?

Un puits sans fond nous habite. Si l’on pouvait trembler, nous le ferions.

Mais rien ne vient. On est vide. Posé là. Assis. Au bord du précipice.

Ni poussé dedans. Ni éloigné de ce terrible aimant.

Les pieds y pendent. Le regard s’y fond.

Et la folie y résonne. Tambourine dans la tête.

Qui nous en sortira ?

 

La fatigue, c’est certain, sera le conquérant de cette angoisse sans fin.

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