L'oeil en coin

Publié le par laurent fournier

Le regard se pose

Un temps

Sur l’immensément petit

De son intensément grand

A soi

La pupille s’enfonce

Dans les replis de la mémoire

Jusqu’au grésillement lointain d’un babillage

Incertain

Les souvenirs déboulent et caracolent

S’entrechoquent et se moquent

Narguent le sablier

Pauvre prisonnier de sa courbe de verre

 

Un frisson mélange l’instant à l’avant

Melting-pot d’images fuyantes

Suis-je celle d’autrefois ?

Maintenant ?

Suis-je l’évanescence de mon reflet ?

En filigrane ?

Ai-je gardé l’infime nécessité de ma finitude ?

En pointillé ?

Fissurée, l’idée !

L’important est dans le déroulé

Je suis Ma continuité

Je suis le tout de mon rien

Et c’est déjà beaucoup

Beaucoup

J’ai aimé, j’aime et j’aimera

Comme une enfant

Du haut de ma citadelle

Humaine

Je suis ces Moi amoncelés dans un passé-pluriel

Etendu à l’extrême limite

De

Ma soixantaine

 

Soixante ans …

Un diamant sculpté au saphir

Le point de bascule

Dans l’irraisonnablement bon

De l’abandon

 

Soixante ans

Bourré à craquer

De chaleur et d’amour

De chair et de sang,

D’odeurs et de goûts,

D’éclats de rire, d’éclats tout court,

De coups durs, de coups du sort, de coups de chance

De sortilèges, d’émerveillements

 

Soixante ans

Quelques bougies soufflées

Dans le sens de demain

Sur les bonheurs à construire

Les prévenir qu’on débarque

Qu’on va leur chauffer l’derrière

Les booster pour rendre au temps beaucoup d’instant

Pour les parfumer

Au safran

Au cumin

Au carvi

Au fenouil

Au laurier

A la sauge

Au thym

- Comme certains savent si bien le faire -

A tout et … n’importe quoi

On s’en fout

Tant que ça sente bon

La vie

Les envies

Leur botter l’arrière train

Pour fossiliser la ride

Dans un pli rieur

 

Assise sur la pliure du temps

Les pieds trépignent

Cognent la roche séculaire

Un écho intérieur résonne

Des âmes vagabondent parties au loin

On mastique la seconde

Celle qui franchit les dizaines

Allègrement

On est nerveux

A fleur de peau

La chair en tension

L’esprit en ébullition

Mais

Foutaise existentielle

Le beau, le vrai

Le A-vivre,

Est au bout du regard

Sur la ligne d’horizon

Insubmersible

Et c’est poussé

Par les alysées des êtres chers

Que le cœur saigne la raison

Car la vie ne s’écoule pas

Elle se distille

A fortes doses

Dans des veines en partage cellulaire

Elle se bonifie en accomplissement

 

Le passé germe au futur

Et les passifs meurent dans les poussifs

A corps et à cri

La soixantaine nous bouscule

Explose l’éphémère sphère de nos repères

Affleure joyeusement l’universel

Elle chahute sans vergogne

Nos

Refaire

défaire

parfaire

flinguer

diluer

remanier

Jamais renier

J-a-m-a-i-s

 

On ne vieillit pas

On s’affermit

On s’affirme dans nos doutes

D’un recul désinvolte

Salvateur

On se patchworkise

On devient cette toile multicolore

Folle

Excentrique

Riche

Parfois monotone

Composée de bric et de broc

Pour un tout

En chic et en choc

 

Grandiose …

 

On se rapproche de soi

Tant on a accosté l’autre

On s’incertitude

Mais

Le pas plus sûr

Le menton droit

L’allure fière

La tête haute

 

Alors

Fonçons ensemble droit devant

Ajournons les jours nés

Jouissons de celles rêvées

Tout de suite

Le brillant en point de fuite

L’étincelant en ligne de mire

L’œil en coin

Assassinons la seconde

Noyons-là dans la minute

Guillotinons-là dans l’heure

Egrenons les bonheurs

Sans modération

A chaque pas

Immolons le noir

Dans le blanc des espoirs.

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